samedi 31 octobre 2015

Les moments de suspension ne durent jamais assez longtemps (moussaka)




Les jours, les semaines, les mois passent. Et moi, je continue à lutter contre cette fuite du temps. Enfin, j'essaie.

Terrassée par une NCB au beau milieu de l'été, j'ai passé plusieurs semaines chez moi, en position horizontale — la seule position antalgique — et habillée certains jours d'un beau collier bleu marine avec une fermeture à scratch. Durant cette période de réclusion, le sommeil et la contemplation du plafond furent mes principales activités. Bien sûr, il fallut renoncer quelque temps à la brasse coulée du matin. C'est là que j'ai vraiment compris le sens de l'expression "prendre son mal en patience".
Je dois ma survie aux deux paires de mains bienfaisantes qui m'ont prodigué leurs soins tout le mois d'août et continuent de me réparer aujourd'hui, mais surtout surtout aux trois saisons de Orange Is The New Black. Tous les jours, c'était la fête quand le générique, chanté par Regina Spektor, démarrait. Sans Piper Chapman, Alex Vause, Crazy Eyes, Chang — qui faisait les mêmes bains de pieds que moi au même moment —, Taystee, Red, Pennsatucky et les autres pour me tenir compagnie, j'aurais mouru d'ennui et sombré dans l'alcool et la dépression.
Puis les vacances sont arrivées fin septembre, alors que j'allais mieux : dix jours en Corse, à marcher dans la forêt, dans des gorges au milieu de paysages sublimes, dix jours à me baigner dans les rivières glacées et la Méditerranée, à pique-niquer au bord de l'eau... Dix jours qui m'ont totalement régénérée.
Et le quotidien de reprendre son cours après cette parenthèse enchantée. Le travail, la piscine, les échappées gourmandes...
Un matin, après la piscine, je fus prise d'une fringale de tartine beurrée et décidai de prendre mon petit déjeuner au Télescope, où je savais qu'ils servaient des tartines. Je n'aurais pas pu mieux choisir : le pain, coupé en tranches épaisses et grillé, était bien croustillant à l'extérieur et moelleux à l'intérieur, le beurre salé et la confiture parfaits également — d'habitude, je me limite au beurre, mais là, la confiture s'est imposée d'elle-même — le tout accompagné d'un café crème de compétition. J'appris à ma grande surprise que le pain était fait maison depuis un stage de panification avec Thierry Delabre de Panadero Clandestino l'été dernier. Le résultat est franchement épatant.

Ces derniers mois, j'ai beaucoup cuisiné l'aubergine, en donburi ou à la Parmigiana comme d'habitude. Mais ma dernière obsession, la recette que j'ai faite et refaite à maintes reprises depuis septembre et dont je ne me lasse pas, c'est la moussaka, que j'aime avec de la viande d'agneau bien grillée et des pommes de terre en sus. Malheureusement, la saison des aubergines est finie.

Moussaka (avec lactose, viande et gluten, merci)
(inspirée de la recette de mon amie Marie, et un peu de celle-ci)


pour 4 personnes

2-3 aubergines, selon leur taille
500 g d'agneau haché
4-5 pommes de terre, selon leur taille
3-4 tomates concassées, fraîches ou en boîte
2 oignons émincés finement
4 gousses d'ail hachées
du fromage (gruyère, parmesan ou autre)
huile d'olive
sel, poivre
50 g de beurre doux
1/2 l de lait demi-écrémé
3 c.s. de farine

Préparer les aubergines
Préchauffer le four à 230 °C.
Couper les aubergines en tranches de 1 cm d'épaisseur dans le sens de la longueur.
Huiler légèrement une plaque de cuisson et y disposer les tranches.
À l'aide d'un pinceau, les badigeonner d'huile d'olive.
Enfourner pour 20 min de chaque côté, jusqu'à ce que les tranches soient grillées.

Préparer la sauce tomate
Dans une poêle, faire réduire les tomates et les gousses d'ail hachées dans un peu d'huile d'olive. Saler et poivrer en fin de cuisson.
Il faut que la sauce soit épaisse pour que la moussaka soit ferme.

Préparer le hachis
Faire dorer les oignons émincés et l'ail haché dans une poêle avec un peu d'huile d'olive.
Les retirer et y placer la viande d'agneau hachée. La faire cuire jusqu'à ce qu'elle soit bien grillée.
Remettre les oignons et les gousses d'ail en fin de cuisson.
Saler et poivrer. Égoutter (car c'est un peu gras).

Cuire les pommes de terre
Éplucher les pommes de terre et les faire cuire dans une casserole d'eau salée pendant une dizaine de minutes (il n'est pas nécessaire qu'elles soient complètement cuites).
Égoutter et couper en rondelles de 4-5 mm.

Préparer la béchamel
Dans une casserole, faire fondre le beurre à feu moyen et incorporer la farine en remuant constamment jusqu'à l'obtention d'une pâte homogène.
Hors du feu, ajouter progressivement le lait tout en fouettant et remettre sur le feu quelques minutes. Saler en fin de cuisson.
La béchamel ne doit pas être trop épaisse, car elle va épaissir pendant la cuisson au four.

Assemblage et cuisson finale
Dans un plat allant au four, faire des couches successives : aubergines, tomates, viande, pommes de terre.
Finir par une couche de béchamel et parsemer le tout de fromage râpé.
Enfourner à 180 °C pendant 45 minutes environ, jusqu'à ce que le dessus soit bien doré.


(photo moche, je sais, mais c'était super bon)

dimanche 26 juillet 2015

To unravel a torment you must begin somewhere (donburi d'aubergine fondante)




Bon, je voulais revenir écrire quelque chose ici au mois de mai, j'essayais de m'y mettre tant bien que mal, quand je ne dessinais pas mes repas et que je ne tombais pas de sommeil, mais le temps a passé, je n'ai pas mis à jour mon calendrier gourmand, j'ai tout laissé traîner et pof, nous voilà déjà fin juillet. Comment se fait-ce ?

Ça m'a pourtant tellement manqué.

Le travail m'a bien occupée — et épuisée — dernièrement. J'ai continué mon carnet, qui a donné lieu à ce papier dans le nouveau numéro de Fricote, et puis je suis partie prendre l'air en Islande, dans les Fjords de l'Ouest — j'en parlerai plus tard, promis.

À mon retour, j'ai retrouvé l'été tel que je le redoute chaque année. Chaud, lourd, pesant. Je devrais peut-être songer à prendre la poudre d'escampette en juillet-août comme tout le monde au lieu de me morfondre à Paris en regardant défiler les clichés d'apéros en bord de mer, de barbecues hautement salivants ou de randonnées dans des paysages idylliques sur Instagram — pour ma part, j'instagramme aussi à tout-va depuis quelques semaines, pffff, n'importe quoi... Le reste du temps, je pleure devant des films d'animation qui évoquent la nostalgie de l'enfance, je lis des livres qui me donnent envie de tout plaquer et d'aller faire des gâteaux dans un café au fin fond de l'Islande ou de la Suède comme Fanny, ou de parcourir le monde avec un sac à dos ; je chasse la morosité et les angoisses du moment en alignant les longueurs en brasse coulée à ma piscine préférée.
Pourquoi l'été me plombe-t-il tant ? Pourquoi ai-je tant envie de froid, de neige et de brume quand les autres sont tout heureux de pouvoir se dévêtir ENFIN ? De quelle anomalie génétique suis-je faite ? De quelle matière étrange ma chair est-elle faite ?

Au milieu de cette morosité estivale, je peux quand même compter sur Joël Thiébault pour continuer à nous régaler de ses merveilleux légumes. L'autre jour, je suis rentrée du marché avec deux cabas remplis de cœur de bœuf, ananas, green zebra, andine cornue, noire de Crimée, poivrons tequila, aubergines, courgettes jaunes, concombres, haricots verts, basilic... avec en tête mes recettes fétiches : ratatouille, salade de haricots verts à la coriandre, spaghetti à la tomate et au basilic, la super sauce tomate de Pim, les  aubergines à la Parmigiana de Gracianne, et puis ce donburi d'aubergine fondante que je fais inlassablement depuis 2009... Comme ça fait longtemps, je vous la remets.


Donburi d'aubergine fondante
(recette originale trouvée ici, et déjà faite )


pour 2 personnes

2 petites aubergines (ou une grosse aubergine)
2 œufs ultra frais (fermiers et/ou bio)
2 bols de riz (rond) cuit
2 lamelles de gingembre frais
2 c.s. de sauce soja (Kikkoman, par exemple)
4 c.s. de mirin
2 c.s. de fécule
huile neutre
graines de sésame blond

Préparer les œufs pochés :
[Méthode rapide pour les nuls] Casser chaque œuf dans un petit bol, couvrir d'eau et cuire au micro-ondes pendant 1 minute environ : d'abord 30 secondes, puis de nouveau 30 secondes. Il faut que le blanc soit juste pris. Si le blanc n'est pas pris, prolonger la cuisson de 10 secondes (normalement, on ne doit pas dépasser 1 min 10 au total). Réserver.

Peler les aubergines un trait sur deux pour faire des rayures.
Les couper en rondelles de 1 cm de largeur.
Mettre les rondelles dans un sac plastique, ajouter la fécule, fermer le sac et bien secouer afin que les rondelles soient entièrement enrobées de fécule.
Dans une poêle, faire chauffer de l'huile et bien cuire les rondelles d'aubergine des deux côtés.
Quand les rondelles sont dorées, les mettre sur du papier absorbant, et jeter l'huile en trop.

Dans la même poêle, faire chauffer le gingembre, ajouter la sauce soja et le mirin et faire réduire à feu moyen (attention à ne pas laisser brûler la sauce) (dans la recette originale, il faut remettre les rondelles d'aubergine dans la poêle pour les enrober de sauce, mais je trouve le résultat moins joli et moins bon).




Il reste aussi le plaisir des habitudes, des lieux devenus familiers (Mûre, La Pointe du Grouin, Abri, Coutume Instituutti, Septime, Nina, Hexagone Café, La Gambette à Pain...) où l'accueil, les sourires et les mots échangés rendent les visites encore plus réjouissantes et donnent sans cesse envie de revenir.

mardi 7 avril 2015

Table Ronde




Hmm... comment dire ? Je crois que j'ai été un peu ambitieuse en prenant mes bonnes résolutions en début d'année. Dessiner ses repas quotidiennement est une tâche qui requiert une constance et une discipline sans faille ; au moindre relâchement, on se retrouve rapidement submergé. En échange, chaque page qui prend forme est une récompense, et voir le carnet se remplir est une source de joie immense. J'ai enfin trouvé quel était le but ultime de mon passage sur terre : remplir des carnets entiers de dessins de bouffe.
Justement, il se trouve qu'une fille qui a travaillé dans mon restaurant doudou (Septime !) a aimé cette page de carnet et m'a demandé de lui faire une affiche pour son passage à Table Ronde ce mois-ci. Comme on ne peut rien lui refuser — demandez par exemple au Café Constant comment ils gèrent une cliente qui réclame des profiteroles à onze heures du soir quand il ne reste plus un seul petit chou —, j'ai séché la piscine, le club de lecture et mon lit, et j'ai commis ma toute première affiche.
Vous me connaissez, c'est du fait main, mais j'espère que ça vous donnera envie d'aller goûter la cuisine de Céline Pham — en fait, les dîners sont déjà (!) complets, mais si vous pouvez y aller pour déjeuner, n'hésitez pas ! Le bouillon phở bò à lui seul vaut le déplacement.

dimanche 22 février 2015

And of course she enjoyed life immensely




Kung Hei Fat Choi (恭喜發財) ! Je suis un peu en retard, certes. Mais je suis en retard pour tout en ce moment. Et pour cause, je m'applique à tenir mes bonnes résolutions pour l'année, qui peuvent se résumer en deux mots : DESSINER PLUS. La preuve en images.
Après l'échec de mon agenda 2012, qui n'avait été rempli que sur deux mois à peine — shame on me —, je retente cette année l'expérience de dessiner mes repas tous les jours. Et c'est du boulot, vous pouvez me croire ; je n'ai plus le temps pour rien d'autre. En plus, je dois rattraper le retard de janvier, car il m'a fallu plusieurs semaines pour mettre en route la machine, et entretemps j'ai perdu mes crayons de couleur — crayons chéris qu'on m'avait offerts —, un vrai drame. Le temps de réaliser qu'ils ne réapparaîtraient pas comme par enchantement, plusieurs jours ont passé, j'ai dû me résoudre à en racheter la mort dans l'âme — car si les crayons peuvent toujours se remplacer, les cadeaux sont perdus à jamais. Snif.


Bon sinon, je voulais vous parler depuis des lustres d'un truc trop bon, mais voilà, j'ai tellement tardé qu'il n'existe plus. Il s'agissait du muesli de chez Lockwood : du fromage blanc recouvert de plein de fruits colorés et appétissants — bien que pas de saison, contrairement à ce qui était écrit sur le menu —, saupoudré de muesli et arrosé d'un filet de sirop d'érable. Ça ressemblait à ça :


J'ai découvert ce muesli un matin de décembre, en compagnie d'une jeune Texane assistante d'anglais en Normandie — au départ, je voulais l'emmener chez Mûre, mais comme ça n'ouvrait qu'à 11h et qu'il était encore tôt, je me suis rabattue sur Lockwood —, et ce muesli était tellement renversant, tellement parfait que j'y ai pensé tout le temps pendant les semaines qui ont suivi. Mais je n'ai pu le savourer que trois fois avant qu'il ne fût remplacé courant février par un granola — très bon, certes, mais un peu moins que le muesli. Mes demandes répétées de rollback à l'ancienne version se sont soldées par un échec.
Après le deuil de mes crayons de couleur donc, celui du meilleur muesli de l'univers. Le sort s'acharne sur moi.
 

En voyant ces pages, on peut avoir l'impression que je petit-déjeune sans arrêt dehors, ce qui n'est pas vrai du tout sauf quand la piscine est fermée pour vidange, et dans ce cas, j'en profite pour faire la tournée de mes cafés préférés — et en découvrir de nouveaux (Holybelly, Smörgås). Et je crois que mon plus gros coup de cœur du moment, c'est le carrot cake et le jus de pomme verte de chez Coutume (Babylone et Instituutti) : le carrot cake a une texture parfaite, le glaçage au cream cheese est joliment posé et j'adore les petites paillettes de zeste de citron vert, c'est à la fois beau et délicieux ; quant au jus de pomme verte, je ne m'en remets toujours pas : on dirait du coulis de pomme verte, un truc dément que je pourrais avaler par litres entiers et qui va me sauver du sevrage du sorbet pomme verte de Grom entre avril et octobre.


À part ça, non contente d'admirer les illustrations de ce livre, j'ai testé la recette de brownies qui y figure, et j'ai eu tout un tas de compliments avec son lot de points d'exclamation. Si vous aimez les livres de recettes illustrés et que vous avez, accessoirement, un enfant, achetez-le, sérieusement.

http://www.librest.com/evenements/2-le-genre-urbain/du-monde-dans-ta-cuisine,2158-5.html?periode=mois&date_debut=2014-11-01&date_fin=2014-12-01&mois_debut=2014-11-01&mois_fin=2014-12-01&majLibPref=4

mardi 6 janvier 2015

Let it shine under the morning star




En ce début d'année, alors que je n'ai jamais été très versée dans les bonnes résolutions, je me surprends à formuler tout un tas de souhaits, à fourmiller d'envies et de projets pour 2015.
Si vous me le permettez, je vous souhaiterai la même chose : une année pleine d'envies et de projets...
Une année palpitante.

(Je reviens bientôt avec mon calendrier 2015, promis !)