lundi 23 avril 2012

Soft rains of April (salades et assiettes composées)



Un matin, j'ai filé trop tôt, trop vite. Les yeux cernés, encore embués de sommeil.
En sortant des douches, après ma séance de brasse coulée, j'ai senti ma vue se brouiller. Sous le sèche-cheveux, ce sont mes jambes qui se sont mises à faiblir : je me suis appuyée contre le mur, espérant que cela passerait. Puis ce fut le noir total. Je marchai à tâtons, incapable de retrouver ma cabine. Maître-nageur et cabinier sont venus à ma rescousse.
Un quart d'heure et un sucre plus tard, j'étais de nouveau d'aplomb.
Ce n'était rien, en fait.

Je partis tout de même prendre un consistant petit déjeuner chez Claus. Le smoothie pomme-ananas-menthe (de folie), les tartines beurrées et le chocolat chaud me requinquèrent en un rien de temps. Je regrettai seulement de ne pas avoir pu m'installer confortablement à une banquette à l'étage et d'avoir dû me contenter d'un tabouret au rez-de-chaussée.
Après cela, je me rendis à ma réunion hebdomadaire, l'occasion de rencontrer mes collègues, de déjeuner avec elles, l'occasion de briser nos solitudes quotidiennes. Il y a la jeune polyglotte qui a passé une année au Caire et voudrait retourner au Moyen Orient, la fille qui, grâce à son père, connaît par cœur l'univers des courses moto, et la lesbienne extravertie et drôle qui veut se lancer dans une thèse de doctorat (la malheureuse !). Il y a aussi en visioconférence, parce qu'elle habite dans le Nord, la mère de famille anciennement expatriée aux États-Unis, mais elle ne déjeune évidemment pas avec nous. Toute cette joyeuse équipe est dirigée par O., qui est peu ou prou la chef idéale : toujours positive et encourageante — ce qui me change drôlement de ma précédente chef et risque de me rendre un peu difficile pour les suivants.


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Le petit plaisir du moment, ce sont les sublimes affiches Visit Finland qui jalonnent mes trajets en métro, et que je guette à chaque station, à chacun de mes parcours. La Beauté du Silence, c'est ainsi que s'intitule cette série de photos en noir et blanc de Martti Jämsä. On y voit un transat à rayures face à un lac, des branches de saule, un matelas pneumatique, un garçon portant un chapeau de paille, des enfants qui se baignent. C'est le charme, la mélancolie de l'été finlandais — qui me ferait presque regretter d'avoir pris des billets d'avion pour Reykjavík et non pour Helsinki.


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Outre l'obsession des oranges maltaises (et sanguines), il y a actuellement la lubie des salades et des assiettes composées, qui constituent nos dîners depuis quelque temps — nous ne sommes pas à la diète, il s'agit simplement des envies du moment ; par exemple, la dernière fois que nous sommes allés chez Così, j'ai commandé une salade au lieu de l'habituel sandwich... Mais cela ne nous empêche pas de manger aussi des lapins en chocolat, des cookies homemade, des burgers-frites, ou des instant ramen coréens (junk food ! mais que j'adore).
Ça ressemble à ça :

Asperges vertes et carottes poêlées, œuf mollet, betterave chioggia, pomme de terre, mesclun, ciboulette, persil, Melfor et huile de tournesol, pain préféré. 

Roquette, tomates confites, cœurs d'artichaut, prosciutto di Parma, parmesan, vinaigre balsamique blanc et huile d'olive, pain préféré. 

Mesclun de jeunes pousses, asperges vertes et carottes poêlées en bâtonnets, chioggia, pomme de terre, ciboulette, persil, Melfor et huile de tournesol, pain à l'ail. 

Filets de poulet pané, mesclun, pomme de terre, concombre, chioggia, carottes râpées, ciboulette, Melfor et huile de tournesol. 

Mesclun, courgette rôtie (en fines tranches), tomate confites, bresaola, noix de cajou concassées, vinaigre balsamique blanc et huile d'olive, pain préféré.

Salade de pommes de terre rôties, guacamole, carottes râpées, tomates cerises, mesclun. 

Œuf sur le plat, chioggia, endives, tomates cerises, mesclun, vinaigrette à la moutarde, pain préféré

Galettes pomme de terre-oignon nouveau, asperges blanches, haricots verts, ratatouille.


Parfois, c'est un peu moins composé :

Gambas et asperges blanches, mayonnaise.

Batavia, chioggia, vinaigrette à la moutarde, pain préféré.



Parfois, je refais de vieilles recettes, comme cette salade que m'avait fait découvrir une amie (Crevette, pour ne pas la citer) :

Salade de gambas, avocat, pamplemousse et granny smith
(recette déjà publiée sur La bouche pleine)


pour 2 personnes

une douzaine de gambas, cuites et décortiquées
1 avocat
1 pamplemousse
1 pomme granny smith (oubliée ici)
un peu de mesclun
menthe et coriandre ciselées
sel, poivre, huile d'olive

Disposer un lit de mesclun dans les assiettes.
Couper la pomme et l'avocat en petits morceaux.
Peler à vif le pamplemousse et lever les suprêmes.
Disposer les gambas, les suprêmes de pamplemousse, les morceaux d'avocat et de pomme sur le mesclun.
Ajouter la menthe et la coriandre ciselées.
Arroser d'huile d'olive, saler et poivrer.

vendredi 20 avril 2012

mercredi 4 avril 2012

I simply remember my favorite things and then I don't feel so bad (oranges, udon et chioggia)


La première préoccupation de ce mois de mars fut de ne pas sombrer dans la mélancolie. La mélancolie singulière de ceux qui sont au crépuscule d'une longue vie, et à qui les êtres chers manquent déjà. Une nostalgie terrible parce que chaque rencontre, chaque fois est peut-être la dernière. Je n'ai pas cet âge ; pourtant, j'ai entraperçu ce sentiment un soir un peu triste et solitaire, j'ai entrevu ce que pouvaient être la vieillesse et la solitude qui entoure les derniers instants d'une vie. J'ai cru que cette angoisse soudaine, inédite, ne me lâcherait pas. Puis, elle s'en est allée. Il est vrai que les rires et les jeux avec un petit M. espiègle ont aidé.

L'autre préoccupation, plus terre-à-terre, fut de ne jamais manquer d'oranges maltaises et sanguines pour l'indispensable jus du matin — 3 maltaises pour 1 sanguine, c'est le ratio idéal — et d'en avoir en permanence 2-3 kg d'avance. Je ne sais comment est née cette addiction, cette obsession même, mais acheter des oranges est devenue une activité quasi quotidienne. Je passe mon temps à courir les étals des supermarchés, où les aléas de l'approvisionnement me jouent sans cesse des tours : tantôt les stocks de sanguines sont épuisés, tantôt ce sont les maltaises qui viennent à manquer... Il faut alors interroger l'employé préposé aux fruits — "Quand aurez-vous de nouveau des oranges maltaises/sanguines ? Lundi ? En êtes-vous bien sûr ?" Évidemment, le lundi, il n'y aura pas l'ombre d'une maltaise ni d'une sanguine —, et continuer la quête ailleurs... Je crois que la folie me guette.

Avec cette modération qui me caractérise, je me suis déjà rendue au moins quatre fois — dont trois durant la même semaine — chez Sanukiya, depuis que j'ai découvert ce nouveau restaurant de udon, concurrent du Kunitoraya. J'ai succombé à leurs udon généreusement garnis et à leurs fritures parfaites : les kakiagé (galette de légumes et crevette) et nikuoroshi (bœuf et œuf mi-cuit), notamment, sont fabuleux. J'y ai emmené quatre personnes, dont un poulet qui a adoré manger ses tempura en terrasse. Il y eut aussi trois amies qui partagent le même goût que moi pour les japonaiseries (udon, ramen, donburi, poisson cru, wagashi... enfin, vous voyez, quoi). L'une d'entre elles m'a tendu un petit sac des Éditions de Minuit contenant non pas un livre, mais de petites betteraves chioggia cultivées par Joël Thiébault. Elles furent splendides en salade (merci Camille !).

Carpaccio de betterave chioggia


quelques fines tranches de betterave chioggia (les miennes, coupées au couteau, étaient d'une épaisseur affreusement inégale)
un peu d'échalote finement émincée
du poivre noir fraîchement moulu

Pour la sauce :
2 c.c. de sauce soja (Kikkoman, par ex.)
1 c.s. de Melfor
1 c.s. d'huile de noisette

Il suffit juste de disposer harmonieusement les tranches de betterave dans une assiette avec l'échalote émincée, d'arroser de sauce et de saupoudrer le tout d'un peu de poivre (mais pas de sel, étant donné que la sauce soja est salée).
On peut y ajouter des herbes fraîches, mais je n'en avais pas sous la main.

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En 2001, je m'apprêtais à partir un mois à Reykjavík pour prendre des cours d'islandais et me retrouver dans les paysages de Jóga. Mais le rendez-vous n'eut pas lieu : j'ai préféré Helsinki, le charme finno-ougrien et agglutinant du finnois, l'illatif, l'inessif... et puis aussi Paasilinna, Kaurismäki et Moomin. Expérience que j'ai adorée.
Il m'aura fallu patienter onze ans avant de découvrir l'Islande : ce sera au mois de juin, quand ma mission sera terminée. Vous n'imaginez pas à quel point j'ai hâte — en attendant, pour me familiariser avec les rudiments de l'islandais, j'ai ressorti mon vieux Kauderwelsch, avec la petite cassette audio qui l'accompagne, et il a fallu trouver un walkman qui marche encore, je ne vous raconte pas la galère.
Et ne me dites pas que Reykjavík est entretemps devenue une destination branchée, cela ne me gâchera pas mon plaisir.