dimanche 24 juillet 2011

La mélancolie de juillet (plein plein de choses et des fraises en retard)


C'était quand il faisait encore chaud, le mois de juin touchait à sa fin.
Nous venions de faire de jolies trouvailles de soldes — des pulls et une marinière ultra douce pour lui, une veste en lin et une étole d'homme pour moi — et de nous restaurer de udon rafraîchissants, de tempura et de katsudon à l'adresse japonaise préférée de mon poulet. Il était encore tôt pour le théâtre, alors nous avons fait un tour dans les jardins du Palais Royal en attendant, un peu las de la chaleur écrasante de ce début d'été. L'orage éclata plus tard, tandis que nous suivions les aventures de Mackie Messer et de la famille Peachum dans les bas-fonds de Londres. Pendant l'entracte, nous avons trouvé une fraîcheur inattendue sur la terrasse : il pleuvait, enfin !

Ce n'était sans doute pas la meilleure mise en scène qui fût de la fameuse pièce de Brecht (inspirée du Beggar's Opera de John Gay), mais la critique sociale reste d'actualité, et la musique de Kurt Weill me met toujours en joie. Je n'ai pu m'empêcher, les jours suivants, de réécouter les morceaux en version originalemais pas seulement. Tout cela m'a rappelé mes jeunes années de germaniste.


Les semaines suivantes, nous avons continué nos expéditions gourmandes. Tantôt au Boca Mexa, le snack mexicain de la rue Mouffetard, qui fait de chouettes burritos et quesadillas — il faut goûter aux nopales, dont la texture très tendre rappelle un peu celle des haricots verts —, tantôt au Saravanaa Bhavan, dont l'interminable menu commence à nous paraître un peu moins obscur : notre dernier coup de cœur fut l'onion rava masala dosa, conseillé par un voisin de table, une fine crêpe croustillante renfermant une écrasée de pommes de terre incroyablement savoureuse.



Une autre fois, c'était un déjeuner à l'Ébauchoir, assez sympathique, suivi d'une balade dans le 12ème. Des avions de guerre sont passés au-dessus de nos têtes dans un vacarme tonitruant — pour la répétition de vous-savez-quoi. Impression étrange.
Notre point de mire était Raimo, ce glacier dont j'avais tant entendu parler — David Lebovitz l'évoque abondamment dans The Perfect Scoop. Installés à la terrasse, nous avons hésité un moment devant les prix des coupes de glaces avant d'opter finalement pour une Palette de Couleurs Raimo, qui nous permit de goûter à huit parfums différents. Déception sur le sorbet cacao aqueux et insipide — le sorbet au chocolat de David Lebovitz est bien meilleur ! En revanche, les autres parfums étaient superbes, en particulier le caramel au beurre salé, riche et onctueux, et le sorbet au citron vert et basilic, une merveilleuse surprise, tout en finesse et parfaitement équilibré.


Un week-end où je me trouvais seule — avec une praluline pour unique compagnie —, une amie est venue déjeuner à la maison.
Elle m'avait demandé si elle pouvait apporter quelque chose ; je lui avais répondu "de la bonne humeur et plein de choses à raconter". Et ce fut le cas — bien qu'il y eût également une boîte d'émietté de thon Zanzibar. J'ai aimé cette discussion dans la cuisine, pendant que je lavais le riz et m'appliquais à émincer les crudités, et aussi celle qui suivit le repas, sur le canapé, jusqu'en début de soirée.
Avant de partir, elle m'a demandé si cela me dirait que l'on cuisine ensemble... Moi qui me sens parfois si seule dans ma cuisine, je n'ai pas hésité une seconde : bien sûr que ça me dit !


Depuis, j'ai continué ma cure de tartelettes — désormais interrompue pour celles de Christophe Vasseur — et repris le chemin des salles obscures. Je confesse un penchant pour les petites salles fréquentées par le troisième âge, et les séances du matin. C'est ainsi que je me suis retrouvée en compagnie de trois autres personnes seulement à la première séance du nouveau film de Michael Winterbottom. Steeve Coogan et Rob Brydon, deux acteurs british interprétant leurs propres rôles, partent pour une virée gastronomique dans le nord de l'Angleterre, en mission pour le journal The Observer. J'ai adoré leurs discussions délirantes et absurdes, les concours d'imitations de voix d'acteurs — et encore plus le débat sur le degré de nasalité de la voix de Michael Caine —, leur rivalité infantile. Et aussi quand ils entonnent Wuthering Heights au milieu de la lande anglaise ou quand ils mettent toutes leurs tripes dans l'interprétation d'un tube sirupeux d'Abba. Coogan — celui du film, en tout cas — est prétentieux et Brydon — idem — assez pénible par moments, mais le duo fonctionne à merveille. The Trip est un road movie gastronomique dans lequel la nourriture est reléguée au second plan, mais je m'interroge encore sur l'omniprésence des Saint-Jacques et pétoncles au début du film.

(De M. Winterbottom, je n'ai vu qu'un seul autre film, très noir, mais tout aussi éblouissant : Jude, adapté du roman de Thomas Hardy. L'avez-vous vu ? Kate Winslet et Christopher Eccleston y interprètent respectivement Sue et Jude, deux personnages magnifiques, fiers, auxquels la société ne laissera aucune chance. Un film qui vous prend à la gorge tant il est beau et tragique — l'intensité et la dureté de certaines scènes ne laissent pas indemne.)

Il y eut d'autres films aussi, mais je crois que j'ai dépassé la longueur autorisée sur ce billet — j'espère que vous ne ferez pas d'indigestion... Je vous laisse avec un dessert frais et léger qui a clos plusieurs de nos repas d'été. Merci Gracianne !

Granita di fragole (recette trouvée ici)


pour 4 verres environ

10 cl d'eau
50 g de sucre
jus d'un demi citron
200 g de fraises

Porter l'eau à ébullition avec le sucre et le jus de citron. Laisser 1-2 minutes jusqu'à l'obtention d'un sirop. Laisser refroidir.
Dans le bol d'un mixer, verser le sirop, ajouter les fraises coupées en morceaux et mixer finement.
Verser le mélange obtenu dans un bol en inox, couvrir et laisser au congélateur toute une nuit.
Au moment de servir, gratter la surface du granité avec une fourchette et répartir dans des verrines.
Décorer éventuellement de fruits frais, de crème chantilly, de menthe fraîche, au choix.
Déguster sans attendre.

vendredi 15 juillet 2011

My name is trouble, my first name's a mess (tartelettes et sablés parfaits)


Quand j'y repense, je me dis que ça ne pouvait pas marcher, ce boulot. Que je portais cet échec en moi : à quoi aurais-je dû m'attendre alors que, durant ces quelques mois, j'ai écouté quotidiennement sur le chemin du travail un album intitulé... Négatif ? Je suppose que ça en dit long sur mon état d'esprit d'alors. Il n'empêche que je connaissais mal cet album, je sentais que le moment était venu de me plonger dedans (je redécouvre la discographie de Benjamin Biolay à rebours, en ne me pressant surtout pas, car l'idée d'avoir toujours une partie de son œuvre à découvrir me rassure : ainsi, son premier opus, Rose Kennedy, reste encore un peu flou pour moi, de même que Home, la bande originale de Clara et moi ou les divers remix existants. Pour les mêmes raisons, tout un pan de la filmographie de Woody Allen, Eric Rohmer, François Truffaut, ou des écrits d'Henri Calet, pour lesquels je nourris pourtant une fervente admiration, m'est encore inconnu. Serais-je pour autant une mauvaise fan...?), bref, cette découverte tardive n'en est pas moins renversante. J'aurais voulu le lui dire ce jour-là.

Playlist monomaniaque du printemps :
La pénombre des Pays-Bas
Chaise à Tokyo
Chère inconnue
Glory Hole
La vanité
Exsangue


La première chose que j'ai voulu faire en retrouvant ma liberté, ça a été de mordre dans une tartelette aux pommes de chez Christophe Vasseur. J'avais le souvenir d'une tartelette ultra simple et pourtant parfaite : une pâte feuilletée et des lamelles de pommes (caramélisées) sur un lit d'amandes broyées et de sucre non raffiné. Une combinaison merveilleuse, qui m'avait convertie à la tarte aux pommes toute simple, moi qui avais tendance à la dédaigner et à lui préférer la tarte aux pommes normande. Son caractère addictif m'avait eue : il m'en fallait, là, tout de suite.


Mais c'était sans compter le changement de saison : en arrivant à la boulangerie, je n'ai pu que constater l'absence de tartelettes aux pommes, remplacées par des tartelettes aux abricots... Petite déception d'abord, mais très vite suivie par la joie de voir que l'on y respecte les saisons (que penser de ces boulangeries-pâtisseries qui vous proposent des tartes aux fraises ou aux framboises fraîches en plein hiver...?) ! Et je ne suis pas mécontente d'avoir une fois de plus surmonté mon aversion pour les abricots cuits, parce que ces tartelettes sont également parfaites : pâte feuilletée nickel, mélange amandes-sucre divin, abricots sans acidité aucune. Là aussi, cette combinaison marche divinement bien et l'aspect un peu rustique de la tartelette lui confère un charme fou.


Depuis, j'en ai englouti pas loin d'une dizaine et je ne ressors plus de la boulangerie sans avoir au moins deux tartelettes dans mon cabas (en plus du pain des amis, cela va sans dire). Si vous voulez y goûter, dépêchez-vous, car la boulangerie ferme dans une semaine très précisément pour ne rouvrir ses portes qu'à la rentrée.

Dans le domaine de la perfection, la tartelette aux framboises de La pâtisserie des rêves tient également une place de choix. Une pâte sablée bien croquante, une couche de frangipane ou quelque chose de ce genre, une couche de crème, une couche de gelée de framboise (j'espère que je ne dis pas trop de bêtises), et des framboises fraîches légèrement voilées de sucre glace. Le style est totalement différent : plus net, plus raffiné. Mais c'est tout aussi exquis et addictif, et l'on ne voit pas ce qu'il y aurait à améliorer tant cela semble parfait (aussi bien sur le plan esthétique que gustatif). Je pourrais en manger tous les jours.
Là aussi, dépêchez-vous, si vous voulez y goûter, car elle va sans doute disparaître à la fin du mois.


Je peux vous dire que P. Conticini est une valeur sûre pour les classiques : j'avais pu goûter à ses sablés tout simples, confectionnés par Claire, il y a un an et demi, et je n'en avais tout bonnement jamais mangé d'aussi délicieux, avec ce bon goût de beurre et surtout ce croustillant unique.
Il y a quelques semaines, je me suis enfin décidée à en faire, et ce sont les derniers gâteaux que j'ai apportés à mes copines de miam au bureau. Je savais que ces deux Bretonnes les aimeraient.

Les sablés de Philippe Conticini
(recette issue du livre Sensations de P. Conticini, merci Loukoum°°°)


pour environ 30 à 50 sablés, selon la taille choisie

150 g de beurre pommade
80 g de cassonade
5 g de sucre semoule
1/2 gousse de vanille
210 g de farine T55
30 g de farine complète (ici : T110)
1/2 c.c. de sel fin (2 g)
1 sachet de levure chimique
1/2 œuf battu (pour la dorure)

Sortir le beurre 1 à 2 heures avant de réaliser la recette pour qu'il soit en pommade.
Mélanger le beurre pommade avec la cassonade et le sucre semoule jusqu'à ce que le mélange soit homogène.
Fendre la demi gousse de vanille dans le sens de la longueur, récupérer avec la pointe d'un couteau les grains de vanille et les ajouter à la préparation.
Dans un bol, mélanger les farines, le sel et la levure, les ajouter au mélange beurre-sucre.
Abaisser grossièrement la pâte obtenue, l'emballer dans du film transparent et la mettre au frais pendant 3 heures.

Au bout de ce temps, préchauffer le four à 160 °C, sortir la pâte et l'abaisser au rouleau sur 7-8 mm d'épaisseur.
Découper les sablés à l'aide d'un emporte-pièce.
Disposer les sablés sur une plaque recouverte de papier cuisson et les dorer au pinceau avec l'œuf battu.
Mettre la plaque au frigo pendant 45 minutes.
Redorer (éventuellement) les sablés avec le reste d'œuf battu, et enfourner pendant 15 minutes environ (à adapter selon votre four).


J'avais encore pas mal de choses à vous raconter, en plus de toutes ces histoires de miam, mais réflexion faite, ça ne fait pas le poids face aux tartelettes et aux sablés parfaits (j'ai beaucoup employé les mots "parfait", "perfection" et "addictif" dans ce billet, mais sachez qu'en l'occurrence, ce n'est nullement exagéré).

Du pain et des idées
34, rue Yves Toudic
75010 Paris
M° Jacques Bonsergent (ligne 5) ou République (lignes 5, 8, 9, 11) (plus loin)
01 42 40 44 52
Ouvert du lundi au vendredi de 6h45 à 20h
Fermé le week-end !

La pâtisserie des rêves (1)
93, rue du Bac
75007 Paris
M° Sèvres Babylone (lignes 10, 12) ou Rue du Bac (ligne 12)
01 42 84 00 82
Ouvert du mardi au samedi de 9h à 20h, le dimanche de 9h à 16h

La pâtisserie des rêves (2) + salon de thé
111, rue de Longchamp
75016 Paris
M° Rue de la Pompe (ligne 9) ou Victor Hugo (ligne 2) (plus loin)
01 47 04 00 24
Ouvert du mardi au vendredi de 10h à 20h (de 14h à 19h pour le salon de thé),
samedi et dimanche de 9h à 20h (de 12h à 19h pour le salon de thé)

vendredi 8 juillet 2011

Triptyque breton (3) : Le Coquillage


Après le fabuleux dîner à Tanpopo, il nous fallut rouler dans la nuit noire pour regagner notre chambre à Cancale (je m'endormis par intermittence durant le trajet alors que j'étais chargée de repérer et déchiffrer les panneaux de signalisation).
Le lendemain, vers six heures, je me suis glissée hors du lit pour scruter le ciel du matin, bleu zébré de rose, et le port encore endormi. Un moment hors du temps. En me penchant sur la gauche, j'ai pu voir les parcs à huîtres : c'était marée basse.
Le petit déjeuner eut lieu bien plus tard, dans un grand salon face à la mer, et fut suivi d'une longue balade le long du port.

L'attente qui avait commencé un jour de janvier, après une rencontre inopinée mais délicieuse avec O. Roellinger et quelques péripéties dans la réservation d'une table, prit fin ce jour-là. Nous étions enfin au Coquillage.
Tout fut parfait. De l'apéritif pris dans le jardin surplombant la baie du Mont Saint Michel, à la promenade digestive autour du château, en passant par la "roulante des gourmandises rassurantes et étonnantes préparées par Mathieu" (dont j'ai pu goûter huit desserts différents).
Mon tartare de maquereau me fit l'effet d'un tableau. L'assiette était si belle que je n'osai d'abord y toucher (je reconnais que la splendeur du plat n'est pas bien rendue par le dessin). En plat principal, j'optai pour la simplicité avec mes solettes accompagnées de pommes de terre écrasées, simplicité parfaitement exécutée (j'ai toujours pensé que c'était sur les plats les plus basiques que l'on pouvait mesurer la véritable qualité d'un cuisinier ; en l'occurrence, je ne fus pas déçue). Quant aux desserts, ils constituèrent l'apothéose de ce repas : la profiterole était superbe (j'en aurais bien repris, mais bon... huit desserts quoi), le Paris-Cancale fantastique, mais je crois que mon coup de cœur fut cet entremets à trois couches avec un crémeux de chocolat blanc sur le dessus (et pourtant, je n'ai aucune appétence pour le chocolat blanc).





Nous avons été enchantés par cette cuisine raffinée et pleine de saveurs (les épices n'y sont pas étrangères, sans doute), mais aussi par le service charmant et attentionné et le cadre idyllique. Ce qui m'a le plus séduite, c'est cette recherche de l'excellence pour que vous passiez le meilleur moment possible, un peu comme si vous étiez reçu par un ami cher. Vous êtes choyé de bout en bout, et rien n'est négligé ni laissé au hasard. J'aurais aimé remercier monsieur Roellinger en personne pour tout cela.

Puis, ce fut l'heure de prendre la route pour rentrer à Paris. Radio Classique fut rapidement détrôné par l'annonce du palmarès du Festival de Cannes, que nous suivîmes en direct. Les débats animés du Masque et la Plume nous tinrent compagnie jusqu'à Paris, et je me demande encore si je vais aller voir The Tree of Life. En tout cas, j'ai bigrement hâte de retourner en Bretagne.*

Le Coquillage (Château Richeux)
Le Buot
35350 Saint-Méloir-des-Ondes
02 99 89 64 76

Latitude Breizh Café (chambres d'hôtes)
7, quai Thomas
35260 Cancale
02 99 89 61 76

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* À ce propos, auriez-vous de bonnes adresses (hôtels, chambres d'hôtes, restaurants, snacks, plages, lieux à visiter, endroits *secrets*, etc.) à me conseiller à Belle-Île ? (pour les endroits secrets, vous trouverez mon courriel sur la page Profil, en cliquant sur le sceau rouge)
Merci d'avance !