mercredi 22 décembre 2010

Si tu aimes les goûts amers et les hivers tout blancs (bredele et amaretti)


Panne sèche.
Je voulais vous parler de l'éblouissement et du choc ressentis en voyant Des hommes et des dieux un soir pluvieux de décembre, après le travail. Mais je me rends compte que les mots, enfin mes mots à moi, ne suffiront pas.
Le quotidien initié il y a un an touche bientôt à sa fin. Je ne sais pas bien à quoi ressembleront mes journées dans trois semaines... Probablement que je les passerai allongée sur le canapé, à regarder le plafond en écoutant Benjamin Biolay et en boulottant des butterballs.
Non, en vérité, j'aurais bien mieux à faire : préparer notre périple en Thaïlande, qui approche à grands pas. Cela m'évitera de verser des torrents de larmes en repensant aux tea times avec les collègues ; aux chouettes cantines qu'étaient Rose Bakery, Zen, Les Pâtes Vivantes ou Shin Jung ; aux viennoiseries revisitées du Café Pouchkine qui constituaient parfois mon petit déjeuner — tardif — au bureau (figurez-vous que le pain au chocolat est énorme et qu'il n'a pas juste deux pauvres barres de choco : quasiment tout l'intérieur en est tapissé) ; à mes nouveaux amis les bouchers de la rue Blanche, très gentils et très causants, et visiblement ravis de voir que la jeunesse — c'est moi — se met aux fourneaux (leur viande de bœuf est de super qualité) ; au libraire de la rue de Clichy, jamais en manque de bons conseils de lecture : Rosa Candida, c'est lui, et Chârulatâ aussi (et Purge sera sans doute le prochain de la liste).

"Avant que j'aie pu m'en rendre compte, je viens de lui demander s'il connaissait quelques recettes.
'Pas trop compliquées, dis-je, parce que je n'ai pas beaucoup d'expérience.' Puis je lui raconte que j'ai préparé du veau à la sauce au vin rouge la veille, que ça a bien marché et que j'aurai encore du veau ce soir. Après cela, il faudrait que je change un peu.

Si ma démarche prend l'abbé au dépourvu, il n'en laisse rien paraître. Il me dit ne jamais faire la cuisine lui-même, mais il lui vient à l'esprit quelques films que j'aurais intérêt à voir. S'il devait nommer ceux auxquels il pense en premier, il citerait
la Grande Bouffe, le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant — ce qui est assurément non-conformiste et peut-être pas adéquat dans ce contexte. Mange Bois Homme Femme, Chocolat, le Festin de Babette, Cœurs marinés, Chungking Express et In the Mood for Love, dit-il en s'excusant pour la traduction approximative des titres, faite de mémoire." (Rosa Candida, p.237)


"Elle creusa ainsi un souterrain sous ses occupations ménagères, sous toutes ses occupations, et y édifia un temple de chagrin, décoré de guirlandes et de larmes, au plus profond d'une obscurité silencieuse et impénétrable. Là, ni son époux ni personne au monde n'exerçait la moindre autorité. Cet endroit si petit était le plus secret, le plus profond et le plus aimé. Elle abandonnait à sa porte le personnage qu'elle jouait dans son foyer et y pénétrait dans la nudité la plus vraie de son être. Puis, quand elle en sortait, elle remettait un masque pour se présenter sur la scène de la comédie et des rites du monde."
(Chârulatâ, p.93)

Mais avant l'oisiveté et les larmes, puis la Thaïlande, il y a décembre et tout son cortège de gourmandises. Je distribue à droite à gauche — et confie aux bons soins de la Poste — de petites (ou grandes) boîtes de Weihnachtskekse, auxquels j'ai ajouté cette année une variété de bredele trouvée chez Loukoum°°°, juste déments, ainsi que les amaretti de Nilufer, qui ont eu un succès fou, notamment au bureau (mais on n'embauche pas les gens parce qu'ils réussissent à merveille les amaretti, sinon ça se saurait).


Bredele chocolatées sans cuisson de Thierry Kappler
(recette trouvée chez Loukoum°°°)


pour 45 pièces environ

250 g d'amandes en poudre (ici : des amandes mondées)
120 g de chocolat noir
150 g de sucre semoule (ici : du sucre blond de canne)
3 c.s. de kirsch
3 c.s. d'eau

Hacher finement le chocolat.
Dans un grand bol, mélanger le sucre et les amandes, ajouter le chocolat, puis l'eau et le kirsch.
Saupoudrer le plan de travail de sucre semoule, y étaler la préparation en une abaisse de 4 mm d'épaisseur (ici : presque 1 cm) et découper des bredele à l'aide d'un emporte-pièces.
Déposer les bredele sur une grille et laisser sécher une douzaine d'heures, conserver ensuite dans une boîte métallique.



Quant aux amaretti, je sais bien que j'aurais pu trouver ma recette à peu près n'importe où, mais ce sont les photos de Nilufer qui m'ont donné envie d'en faire... Et ces amaretti-là ont fait un vrai carton, alors je reprends sa recette.

Les amaretti de Nilufer (recette originale ici)


pour 20 amaretti environ

2 blancs d'œufs
1 pincée de sel
175 g d'amandes en poudre
50 g de farine
150 g de sucre en poudre
2 gouttes d'extrait d'amande amère
sucre glace pour enrober

Préchauffer le four à 180 °C.
Dans un saladier, fouetter les blancs avec une pincée de sel.
Dès qu'ils commencent à prendre, verser doucement le sucre afin de former un appareil à meringue.
Lorsque ce dernier est bien lisse et brillant, incorporer la farine et les amandes en poudre en mélangeant délicatement à l'aide d'une maryse jusqu'à ce que le mélange soit homogène.
Ajouter l'extrait d'amande amère.
Mélanger à nouveau en soulevant la masse.
À l'aide d'une cuillère à café, former des petites boules de pâte.
Rouler les petites boules dans un bol rempli de sucre glace, les passer d'une main à l'autre pour retirer l'excédent de sucre, et les disposer au fur et à mesure sur une plaque recouverte de papier sulfurisé, en les espaçant de 2 cm les unes des autres et en les aplatissant légèrement.
Enfourner pendant 10 min à 180 °C ; les amaretti vont se colorer légèrement.
Les biscuits doivent être croquants à l'extérieur et moelleux à l'intérieur.
Ils se conservent très bien dans une boîte hermétique.


Et puis je vous rappelle que vous pouvez trouver les recettes de Weihnachtskekse (biscuits de Noël) ici.

Joyeux Noël et bon foie gras !


lundi 6 décembre 2010

On irait au Café Pouchkine boire un chocolat (les niu rou mian du dimanche)


J'ai un peu honte d'avoir cédé à mon instinct de morfale l'autre jour en voyant l'offre de Michel et Augustin parue sur My Little Paris : une livraison de cookies gratuite pour les 100 gourmands les plus rapides. Évidemment, je me suis jetée sur mon téléphone et après une bonne trentaine de tentatives, j'ai fini par avoir une standardiste au bout du fil... et J'AI GAGNÉ UNE "COOKIES BOX", livrée à mon bureau le lendemain matin. La grande classe (les collègues ont entonné un "Joyeux anniversaire" en voyant le paquet arriver).
Bon, j'émettrai une petite réserve pour les cookies bleus (aux gros morceaux de noisettes et de chocolat au lait), qui sont un peu fades à mon goût, malgré les noisettes ; en revanche, les roses (aux gros morceaux de chocolat) sont pas mal du tout avec leur texture chewy et moelleuse, et leurs gros chunks de chocolat noir : ils sont presque aussi bons que ceux de Laura Todd (mon Graal en matière de cookies).
Si vous aviez encore un doute là-dessus, vous n'en avez plus désormais : je suis bel et bien un ventre sur pattes.
Merci Michel & Augustin pour cette sympathique initiative !


Au cours du mois de novembre, il y eut un samedi lumineux où, après nous être régalés de udon chez Kunitoraya 2 au déjeuner, nous nous sommes dirigés vers les jardins du Palais Royal, puis ceux des Tuileries, pour une balade au soleil. Mon poulet eut envie d'une crêpe, mais le stand trouvé ne nous inspira guère...
Puis, il fallut se hâter pour ne pas rater la séance de La princesse de Montpensier (après avoir aperçu monsieur Tavernier en train de déjeuner chez Issé, et déambulé du côté de la galerie de Montpensier, nous ne pouvions choisir un autre film...).
Je suis ressortie de la salle avec la gorge un peu serrée... J'ai aimé la fierté et la dignité de cette jeune femme victime de la convoitise et de la lâcheté des hommes. J'ai été touchée par ces amours contrariées, refoulées, ces destins brisés, ce renoncement. C'était beau et triste à la fois.

Lors d'un vendredi blanc et froid, une amie est venue à bout d'une épreuve qui durait depuis des années : une thèse... J'avais promis de m'occuper du sucré pour son buffet (rien à voir avec celui-là, qu'on peut légitimement considérer comme LE pot de thèse du siècle, et qui donnerait PRESQUE envie de refaire une thèse : je me suis contentée de choses hyper simples et archi éprouvées telles que cookies, brownies, madeleines, gâteau aux pommes et cake au citron). Quel bonheur et quel soulagement de la voir défendre son travail aussi brillamment, et puis toutes ces incitations à publier et ces félicitations qu'elle n'attendait pas... C'est une thèse qui fera date dans sa discipline.
J'ai revécu à travers elle le stress, le trac qui précède la soutenance, la fatigue qui pèse au bout d'une heure de questions, la tension qui retombe, la libération finale... J'ai repensé à toutes ces heures passées à la BN, à toutes ces heures passées à se remonter le moral à tour de rôle, aux moments de découragement, et aux quelques (rares) victoires qui ont jalonné nos parcours. Ce soir-là, une page s'est tournée.


Ce matin, après un petit déjeuner fabuleux (tartines de "baguette du patron" au beurre salé, kiwi jaune et chocolat chaud de Demel), j'ai remis ma sauce au bœuf, commencée hier soir, à mijoter et me suis amusée à faire des nouilles coupées au couteau (un peu comme celles de ma grand-mère) pour les niu rou mian* (牛 niu = bœuf, 肉 rou = viande, 面 mian = nouilles) du déjeuner. La recette n'est pas très orthodoxe, et les nouilles ne peuvent évidemment pas rivaliser avec celles des Pâtes Vivantes (texture à améliorer), mais la soupe était tout de même suffisamment bonne pour que j'aie envie d'en refaire très vite !

* Merci Gracianne, pour les liens !

Niu rou mian 牛肉面 ou soupe de nouilles au bœuf (from scratch)
(recette trouvée ici, thank you Cha Xiu Bao & Nana!)


pour 3-4 grands bols

Pour la "sauce" au bœuf :
500 g de gîte de bœuf
3 tomates (ici : une boîte de tomates concassées - voire un peu plus)
1 gros ou 2 petits oignons
5 gousses d'ail
5-6 petits piments rouges
3 grosses tiges de ciboule
4 c.s. de vin de riz (Shao Hsing Hua Tiao Chiew)
4 c.s. de sauce soja (Kikkoman, par ex.)
50 g de sucre de canne en cristaux (rock sugar) (voir ici)
un peu d'huile neutre (tournesol, par ex.)

du bouillon de bœuf (2 louches par bol)
environ 100 g de nouilles (des pas trop fines) par bol

un peu de ciboule et de coriandre émincées pour servir

Préparer la sauce :
Éplucher les tomates (avec un Zyliss, c'est très bien) et les couper en morceaux.
Émincer finement ail, piments, ciboule et oignons.
Couper le bœuf en grosses lamelles.
Faire chauffer un peu d'huile dans une sauteuse et y faire revenir ail, piment et ciboule.
Au bout de quelques secondes, ajouter les oignons et mélanger.
Blanchir le bœuf dans une casserole d'eau bouillante pendant quelques secondes, l'égoutter et l'ajouter dans la sauteuse.
Laisser cuire un moment, puis incorporer les tomates, le vin de riz, la sauce soja et le sucre de canne, et mélanger.
Couvrir et laisser cuire à feu doux pendant 2 heures, en surveillant régulièrement.

Pendant ce temps, on peut préparer un bouillon de bœuf avec des restes de côte de bœuf (pour ma part décongelés), du gingembre et de la ciboule.

On peut également s'amuser à préparer les nouilles soi-même, ce que j'ai fait, mais ce n'est pas indispensable (d'autant que je n'ai pas de recette sûre à vous donner).

Quand la sauce et le bouillon sont prêts, cuire les nouilles et les répartir au fond des bols. Ajouter dans chaque bol 1 louche de sauce, 2 louches de bouillon, ciboule et coriandre, mélanger un peu, et déguster tant que c'est bien chaud.


J'en profite pour vous conseiller d'aller faire un tour du côté de chez Cha Xiu Bao et Nana. En ce moment, j'aime particulièrement la série de vidéos Wok with Nana : la petite leçon de thé donnée par son amie Vivian, la visite dans un salon de thé populaire de Hong-Kong où on lui montre comment préparer le thé au lait à la hong-kongaise... J'aime bien son sourire, sa simplicité et son côté bonne copine.
Tant que j'y suis, je ne résiste pas à l'envie de vous parler d'Amanda et de ses petits cours de cuisine filmés absolument charmants. J'adore son accent étranger (mais d'où ?) quand elle parle cantonais, son allure de top model, ses minauderies, son petit chien... C'est irrésistible !

******

Le chocolat de chez Pouchkine, c'est, c'était loin déjà...